Comment Le Premier Fou chamboule les codes narratifs
Une chronique publiée le 30 avril 2025
Je crois qu’on ne m’a jamais dit, après avoir lu Le Premier Fou : « Ah, j’ai adoré la structure classique ! »
Étrange, non ?
C’est sans doute parce qu’il n’y en a pas. Pas de structure en trois actes bien huilée, pas de péripéties linéaires, pas de point de bascule prévu page 87, ni de personnage principal qui « évolue » comme on le voudrait. Et ça tombe bien : ce n’était pas du tout l’idée…

Le Premier Fou, c’est une fresque. Une de celles où on recule à la fin pour comprendre la scène d’ensemble. On avance dans ce roman comme on traverse une ville inconnue, en se fiant aux panneaux cabossés : on reçoit des indices, des anecdotes, des scènes qui semblent secondaires… puis, paf !, tout prend sens (ou presque).
🃏 Joris : un narrateur unique en son genre
Ajoutons à cela un narrateur pas bien net, qui ne colle pas à la classification classique. Il n’est ni interne, ni externe, ni omniscient, non, il est un peu tout ça à la fois, mais surtout, il est sarcastique, instable, et visiblement en guerre ouverte avec le récit. Il donne son avis, supprime un personnage qui le dérange, digresse, juge. Il a même ses « avis » aux lecteurs, aux historiens, aux physiciens (si, si).
Dans la suite en cours d’écriture – Le Premier Festival – il se fait même virer par la mystérieuse congrégation qui l’emploie. Exit. À la place ? Un nouveau narrateur, plus sobre, plus efficace… mais avec ses propres casseroles. Évidemment.
📚 Pourquoi ce choix ?
Parce qu’un récit n’est jamais neutre. Un narrateur que l’on voudrait parfaitement impartial, ou qui « s’efface », c’est déjà une prise de position en soi. Il choisit ce qu’il raconte, ce qu’il oublie, ce qu’il enjolive. Par son style, il va forcément biaiser le récit.
Dans Le Premier Fou, j’ai choisi d’assumer ce biais jusqu’à l’absurde, d’en faire un protagoniste à part entière. Quitte à ce qu’il soit de mauvaise foi. Quitte à ce qu’il parle plus de lui que des personnages. Après tout, on le connait tous, ce type de narrateur… 🙄
🎭 Et donc ?
Et donc Le Premier Fou n’est pas un roman « classique ». Il inclut une fable, une pièce de théâtre, un personnage qui raconte un chapitre en direct, une taverne, un daim, des couteaux de lancer et des champignons. Il n’a pas été écrit malgré l’absence de plan structuré. Il a été écrit pour ça.
Et si ce fameux Premier Fou, le Bouffon dont il est question dans le roman, si ce n’était pas Fraillon, tiens ? Et si c’était Joris ?
L’histoire, je l’ai écrite comme elle se déroule. Avec des détours, des ratés, des relectures, du rythme, des contretemps, des malaises et des moments de grâce. Un peu comme la vraie vie, en fait.
Retrouvez toutes les infos du roman sur sa page dédiée.
Et vous, vous aimez les narrateurs bien sages… ou un peu foufous ?